C’est un premier roman, et une bien belle maîtrise pour un 1er roman….
L’intrigue se déroule sur 4 jours, du 8 au 11 novembre 1920, 5 jours au cours desquels on suit parallèlement le quotidien de sujets britanniques qui après les ravages de la guerre ne parviennent plus à vivre une vie ordinaire.
Il y a d’abord en ce 8 novembre 1920 la délégation militaire britannique qui va sur les champs de bataille de la Somme et du nord de la France « choisir » celui qui, 3 jours plus tard, le 11 novembre, recevra les honneurs dus au « soldat inconnu ». Les jours suivants, on suit le retour par la mer du soldat inconnu vers sa terre natale et la grande cérémonie qui lui sera consacrée le 11 novembre. Belles reconstitutions historiques.
Il y a aussi Hettie, 19 ans, qui se rend chaque jour au Palais des danses pour être «accompagnatrice de danse » d’anciens soldats et rescapés de guerre, qui pour 6 pence la danse, essaient de se distraire dans ce grand palais … Si ce travail permet à Hettie d’aider ses parents financièrement, il est aussi le moyen d’échapper à l’ambiance morose qui règne chez elle depuis que son frère, de retour des batailles de la Somme, est enfermé dans un mutisme quasi permanent et traîne sa vie à longueur de journées.
Il y a encore Evelyn, fille de grands bourgeois, qui supporte mal que ses parents continuent leur vie aisée comme si de rien n’était. Evelyn a fait le choix de travailler au bureau des pensions, elle reçoit ainsi jour après jour des hommes profondément meurtris dans leur corps et leur esprit… Son frère, Edward Montfort, est revenu également des champs de la Somme où il était capitaine ; il noie régulièrement son mal de vivre et ses secrets dans l’alcool et la drogue. Evelyn quant à elle n’oublie pas Fraser son fiancé mort lui aussi sur les champs de bataille du nord de la France et ce deuil est la raison qui l’a conduite à donner de son temps aux rescapés de guerre.
Il y a enfin Ada et Jack Hart qui ne parviennent pas à partager leurs douleurs respectives d’avoir perdu leur fils Michäel qui combattait sur le front de la Somme et dont ils ne savent rien de la mort et de la disparition… Ada croit toujours que son fils est vivant et le « voit » régulièrement dans une rue ou une autre…. Ada et Jack poursuivent leurs vies tels des zombies…
Les histoires au quotidien des uns et des autres sont poignantes et le deviennent de plus en plus au fur et à mesure que le récit relie peu à peu les tragédies vécues par les uns et les autres…
Un très beau livre sur l’impossibilité de reconstruire une vie normale après l’enfer connu par soi-même ou ses proches pendant la grande guerre. C’est très édifiant sur des zones d’ombre de la guerre et sur la difficulté pour les proches des disparus ou des blessés de guerre à poursuivre sa vie normalement.
Titre : Le chagrin des vivants
Auteur : Anna Hope
Éditeur : Gallimard
Prix : 23€
Coup de cœur de Chantal