Rien de tel pour commencer l'été qu'une véritable saga. Une famille, une maison, des intrigues : c'est tout ce que propose Etés anglais .
La famille, c'est les Cazalet sur trois générations : le Brig et la Duche ,surnom des grands-parents, riches commerçants en bois,leurs quatre enfants et leurs nombreux petits-enfants.
La maison, c'est Home Place dans le Sussex,agrandie ensuite par Mill Farm pour pouvoir loger tout le monde.
L'intrigue, c'est la vie de la famille au cours des étés 1937 et 1938 quand la menace de guerre se fait plus précise.Ce climat couvre d'ombre ces semaines de vacances : sous le toit familial, chacun évolue à son rythme et des prises de conscience, des changements se font durant ces journées apparemment insouciantes. Insatisfactions, non-dits, passage plus ou moins douloureux dans l’âge adulte mais aussi projets, espoirs, rêves : ce roman aux nombreux personnages nous offre un riche concentré d'humanité.
Le récit est vif, les dialogues rondement menés rendant ce premier tome passionnant et faisant attendre le tome 2 pour octobre.
Récit d'une expérience personnelle, Coccinelle peut se lire aussi comme un conte.
L’auteure raconte la façon dont elle perçoit la présence bienveillante de sa mère puis de son père après leur décès. « Apparitions » récurrentes de coccinelles en une saison où on les attend pas , coïncidences troublantes,présence d'une biche sont autant de signes interprétés par l’auteure lui disant que ses parents défunts ne sont pas loin d'elle et l'accompagnent.Rien de macabre ni de sordide dans ce petit ouvrage – au contraire, une pluie de lumière nous invitant à ouvrir les yeux sur la nature qui nous entoure et à y détecter les signes de ceux qui sont partis .L'auteure illustre son récit de nombreuses citations et références – on retient surtout Hugo et Saint-Augustin pour qui « Les morts sont les invisibles,ils ne sont pas les absents »
Lettres à Colette de Sido rassemble les lettres que la mère écrivit à sa fille de 1903 à 1912.Par la lecture de ce livre, on fait mieux connaissance du personnage légendaire de Sido : déjà âgée, dans la gêne, elle habite à Châtillon-Coligny près de son fils Achille et de sa famille.Elle l’accompagne souvent dans ses visites à ses patients (d'abord en voiture à cheval puis ne automobile!) et occupe son quotidien de mille choses:jardin ,animaux (on saura tout de la Minne, chatte que lui a confiée sa fille),déménagement, vie sociale et correspondance abondante avec sa fille.
Elle n'a parfois « rien de saillant » à raconter si ce n’est le temps qu'il fait ou l'état de santé des uns et des autres mais se préoccupe toujours de son « Minou chéri », de son « Toutou blanc » veillant à ce qu'elle soit bien entourée et à ce qu'elle ne gâche pas son talent.
C’est aussi une plume alerte qui nous rend vivant le quotidien de Châtillon : fêtes, mariages, enterrements, portraits de voisins,évocation de ses deux petites-filles...En quelques mots surgit tout un monde que n'épargne pas la dureté voire la bratulaité.
C''est un livre magnifique où l'on entend la voix d'une femme – attentive, caustique,drôle ,hargneuse mais toujours aimante quand il s'agit de sa fille.
« Il ne s'agit pas d'écrire des souvenirs d'enfance » nous dit J-M G Le Clézio dans Chanson bretonne suivi de L'enfant et la guerre sous titré Deux contes.
Et pourtant ,il revisite sans ordre chronologique deux périodes qui l'ont profondément marqué : des vacances d'été en Bretagne et sa petite enfance marquée par la guerre à Nice et dans son arrière-pays.
La Bretagne qu’évoque Le Clézio n'existe plus et même s'il nous met en garde contre la nostalgie, ses courts textes racontant la moisson, la fête dans un château,la lande,les beautés du paysage font surgir comme dans un conte un monde merveilleux où les maisons,les gens leur langue même étaient différents et lui paraissaient extraordinaires .
L'autre conte « L’enfant et la guerre » est fait d'ombres et de lumière. Sous le soleil écrasant de la région niçoise,un enfant perçoit de l'autre côté de murs protecteurs les horreurs de la guerre – bombardement mais aussi violences sourdes – Occupation,Résistance,fuite de Juifs vers l’Italie.Outre le vide et la peur, il connaîtra durant cette période une sensation durable : la faim .
« Au bout de cette enfance,il y a l'Afrique » et c'est alors une autre page qui se tourne.
Kiosque, de Jean Rouaud, parut le 9 janvier 2019. Pour moi, c’est toujours un plaisir de retrouver la grande humanité de l’écrivain, portée par une belle écriture.
Rouaud évoque dans ce livre les années 1983-1990 quand il travaillait dans un kiosque de presse, rue de Flandre à Paris.
Il nous fait rencontrer avec émotion et tendresse les habitués du lieu, des petits que la vie égratigne et bouscule. Il y a Norbert, son copain communiste, un sosie d’Elvis Presley, un SDF surnommé Chirac, un rescapé de la Shoah, un peintre maudit …
Jean Rouaud raconte aussi les lendemains utopistes de mai 68. Et aussi l’histoire de tant et tant de réfugiés d’ethnies diverses. Enfin, il nous livre son histoire, celle d’un kiosquier qui veut devenir écrivain et s’interroge sur la création littéraire …
Kiosque est un livre merveilleux, plein de douceur, empreint de tolérance, empli d’un vrai regard attentif aux autres …
Une bouffée d'air pur garantie avec la lecture de Lac-aux-dames de Vicki Baum paru en 1927.
Lac-aux-dames est une station balnéaire ,non loin de Salzbourg où toute une société plus ou moins huppée passe l’été et se divertit.
Arrive Urbain Hell :champion de natation, ingénieur , inventeur d'un procédé dont il attend désespérément les retombées, il est embauché pour la saison en tant que maître -nageur.
Ce beau jeune homme va susciter toutes sortes de passions chez les vacancières. Elles tombent toutes amoureuses de lui – jeunes filles, mère de famille,femme mûre..Et lui ? Il a certes un coeur qui bat mais il est aussi taraudé par la faim : l'argent lui manque cruellement .
Ce roman « gai d'amour et de disette » comme le dit le sous-titre nous offre une intrigue plaisante dans un paysage alpin majestueux,de beaux portraits, une fine étude psychologique et nous émeut par son « happy end ».
Toute une vie et un soir - Anne Griffin - éditions Delcourt (2019) - 20,50 €
Premier et magnifique roman d’une auteure irlandaise. C’est rare, mais le titre dit tout… Maurice Hannigan, vieux et désormais riche fermier irlandais, s’installe un soir au bar du Rainsford House Hotel qui évoque tant de souvenirs pour lui. Il va avec d’excellents whiskies et bières porter cinq toasts à ceux qui ont le plus compté dans sa vie. C’est donc toute sa vie qui défile (et quelle vie !), et qu’il livre en pensée à son fils Kevin. Ses toasts vont à son frère Tony, l’occasion d’évoquer son enfance misérable dans une famille aimante, à Molly sa fille très tôt disparue, à sa belle-soeur Noreen et à son fils Kevin (journaliste à New-York). Pour le dernier toast, il a choisi un sublime whiskey Midleton et c’est bien sûr à sa femme Sadie qu’il l’adresse, sa merveilleuse femme disparue deux ans plus tôt et sans laquelle il n’a plus la force de vivre… C’est sublime d’émotion, de pudeur et de vérité. À ne surtout pas manquer ! (Coup de cœur de Chantal
Les Marchands de Gloire est la première pièce de M. Pagnol écrite avec Paul Nivoix et créée en 1925.
Elle raconte l'ascension fulgurante d'un modeste employé de préfecture,Édouard Bachelet. Quinquagénaire modeste,il s'est vu toute sa vie humilié et a raté sa carrière. Ce succès,il le doit étonnamment à la mort de son fils ,tombé en héros lors de la bataille de Verdun. Discours vibrants, cérémonies solennelles autour du retour de sa dépouille, inauguration d'un beau monument : le fils est un mort bien utile en cette période d'élection et son souvenir est habilement exploité par un groupe d'ambitieux, soucieux de célébrer les « morts pour la France » afin d'accéder aux plus hautes fonctions.
Mais que deviendra Édouard lorsqu'un soir,son fils reviendra, bel et bien vivant ?
Cette pièce mordante dresse un portrait au vitriol d'une France où la guerre a changé « les règles du jeu » : cette imbrication des affaires,de la politique, de l'argent,des élans patriotiques crée une ambiance délétère qui rappelle celle que Pierre Lemaître a rendue dans Au revoir,là haut ( 2013).
1894. Gabrielle Renard, 16 ans, quitte son village champenois d’Essoye pour suivre la famille Renoir à Paris. Elle est embauchée pour s’occuper prioritairement de Jean, le futur cinéaste, qui vient de naître. Pleine de vie, Gabrielle s’épanouit à Paris comme ailleurs, là où elle suit les Renoir dans leurs nombreux déplacements. Rayonnante, d’une beauté simple, elle pose souvent pour Renoir dont la peinture l’émeut sincèrement. Elle rencontre beaucoup de peintres, d’artistes, et acquiert une connaissance véritable de la peinture. Ce livre est passionnant et agréable à lire. Il nous permet de découvrir Gabrielle, personnage romanesque, mais aussi Renoir, d’autres artistes, et la vie à cette époque.
A lire aussi, le livre écrit sur le peintre Pierre-Auguste Renoir par Jean son fils, celui que Gabrielle a élevé : Pierre-Auguste Renoir, mon père (Folio).
Fin du 20ème siècle. Ingénieure à la retraite, Janina Doucheyko vit dans un village de Pologne à proximité de la frontière avec la Tchéquie. L’hiver, les habitants désertent leur maison pour s’installer en ville. En leur absence, Janina s’occupe de la maison de plusieurs d’entre eux. Par ailleurs, elle est passionnée par William Blake, par la nature et l’astrologie. Un voisin surnommée Grand Pied est retrouvé mort chez lui. Suivront d’autres morts mystérieuses. Sur les lieux, à chaque fois, on trouve des traces d’animaux. Le point commun entre les différentes victimes, c’est que ce sont des chasseurs invétérés … Une étrange enquête commence…
