Sandrine Collette a l’art de décrire les émotions et colères de personnes cabossées par la vie… Dans son dernier roman, un terrible tsunami plonge toute une région sous la vague. Où ? quand ? on ne sait pas, aucune importance. Une famille a survécu, leur maison perchée sur un promontoire. Mais l’eau monte toujours, il va falloir évacuer et pour les parents faire un choix… les 9 enfants ne pourront tous aller sur la barque… Une intrigue invraisemblable, à lire comme un conte effroyable, pour décrire les choix impossibles, les renoncements, l’instinct de survie et l’amour indéfectible, notamment celui d’une mère pour ses enfants perdus… ou celui d’un enfant pour ses poules.... Des personnages magnifiques.
« Diriger un gouvernement était une tâche nouvelle et parfois déroutante pour les gens de l’Institut de Smolny. Ils éprouvaient une certaine admiration mêlée de crainte à l’égard de Lénine ; de sorte qu’ils le laissaient volontiers seul tandis qu’ils s’adressaient à Trotski à la moindre difficulté. Celui-ci travaillait avec acharnement et se trouvait souvent au bord de la dépression nerveuse. »
Alexandra Kollontaï, Maria Spiridonova, Catherine Breshkovski, mais aussi Alexandre Kerenski, Pavel Dybenko, Julius Martov, telles sont quelques-unes des grandes figures que l’on croise au long de ce récit épique, avec beaucoup d’empathie, didactique écrit à chaud entre septembre 1917 et mars 1918 et traduit pour la première fois en français cent ans aprés.
Envoyée spéciale du Metropolitan et de Seven Arts, Louise Bryant (compagne de John Reed) décrit la société russe en révolution, et s’intéresse tout particulièrement à la condition féminine. Elle cherche à convaincre ses compatriotes de soutenir la jeune république soviétique. Avec un siècle de recul, son livre dresse le portrait d’un monde sorti des chaînes où tout semblait possible.
Jusqu’à nos jours, Louise Bryant (1885-1936) n’a pas totalement sombré dans l’oubli grâce au film de Warren Beatty, Reds, tourné en 1981. Le réalisateur jouait le rôle de John Reed et l’actrice Diane Keaton incarnait de façon convaincante celui de Louise Bryant au cours de la période allant de leur rencontre en 1915 à Portland jusqu’au décès de son mari à Moscou, en 1920.
Mais cette référence cinématographique ne lui permit pas de se défaire de l’étiquette de jolie et sympathique girlfriend. A l’époque…, jolie et intelligente, était antinomique. Or, toute sa vie témoigne qu’elle n’a jamais voulu vivre dans l’ombre d’un homme, mais mener pleinement sa vie de femme libre dans tous les domaines, assumant ses choix même périlleux et écrivant ses propres articles, récits ou poèmes, sans que personne ne lui tienne la main.
Grande voyageuse, féministe, reporter, Marylie Markovitch, née Amélie Néry à Lyon en 1866, a écrit de nombreux articles sur la vie des femmes dans les pays musulmans, des poèmes, des pièces de théâtre, des romans. Elle est morte en 1926, malade, oubliée, dans le plus complet dénuement.
Cette réédition, 100 ans plus tard, est la somme remaniée des reportages qu'elle a fait début 1917 pour la "Revue des Deux Mondes »" dont elle était la correspondante, avec les passages, en italique dans le texte, qui avaient été interdits par la censure.
En 1915, en pleine guerre, elle part en Russie en tant qu'envoyée spéciale du "Petit journal"
Parlant l’arabe, le persan et le russe, elle obtient la permission exceptionnelle, lors d’une audience auprès de l’impératrice Alexandra Féodorovna, d’embarquer à bord du train sanitaire.
Au front, elle porte deux habits : l’habit civil du journaliste et l’uniforme des «sœurs de charité », c’est ainsi que l’on nomme les dames de la Croix-Rouge russe, la tête recouverte du voile blanc.
Dès le mois de février 1917, alors qu'un hiver particulièrement rude s'est abattu sur le pays, qu'il y a pénurie des produits de première nécessité, elle suit la période troublée de la Révolution russe, les derniers sursauts du tsarisme, la révolte de l'armée, les débuts de Lénine...
Ces textes écrits sur le terrain dans le feu de l'action nous donnent une idée de cette révolution, vue de l'intérieure par une journaliste qui, y est à la fois favorable et a le recul nécessaire pour en percevoir les écueils. Il faut saluer le courage de cette femme, reporter de guerre en pleine tourmente, exilée loin de sa famille pendant des années pour exercer ce métier à haut risque.
L'auteur : Osamu TEZUKA, est né en 1928 et décédé en 1989. Il est originaire de Kobé au Japon où il situe l'action de son scénario. Il s'inscrit en faculté de médecine à l'âge de 16 ans et publie à 17 ans sa première BD. Il sera docteur en médecine mais n'exercera jamais.
Sa production est énorme. Il est surnommé le "Dieu des mangas". Ce sont plus de 150 000 planches de BD, 700 albums, des millions d'exemplaires vendus dans le monde entier, 70 films de dessins animés.
Il a connu la guerre dans sa jeunesse (le Japon entre en guerre et 1941, TEZUKA a alors 13 ans). Il faut savoir que Kobé accueille à cette époque la majorité de la communauté juive du Japon. 6000 juifs lituaniens furent d'ailleurs sauvés par le consul du Japon en 1940 avant l'entrée en guerre.
L'histoire débute en 1936 aux Jeux Olympiques de Berlin, Hitler est au pouvoir depuis 3 ans. Sohei Togué est journaliste sportif et vient couvrir les JO. C'est pour lui l'occasion de retrouver son frère Isao résidant à Berlin. Celui-ci lui le contacte par téléphone et lui dit détenir un terrible secret qui pourrait ébranler Hitler. Isao est torturé puis assassiné mais a pu envoyer ses documents au Japon.
Cette histoire va croiser le destin de trois Adolph:
Adolph Hitler
Adolph Kaufman, fils du Consul d'Allemagne à Kobé et Adolph Kamil, le fils du boulanger juif de Kobé. Ces deux Adolph sont très amis et se jurent une fidélité sans borne.
Le destin va les séparer. Adolph Kaufman va être envoyé à l'Adolph Hitler schüle, l'école de l'élite hitlérienne où il deviendra l'un des meilleurs élèves. Adolph, le fils du boulanger va subir les conséquences de la guerre à Kobé... Ils se retrouveront...
C'est un livre haletant où l'action ne s'arrête jamais. Sohei Togué sera sans cesse poursuivi par la Gestapo. On suivra les destins de ces 3 Adolph, la folie d'Hitler, la montée du nazisme, le lavage de cerveau des jeunesses hitlériennes, l'entrée en guerre du japon, Pearl Harbor. L'auteur décrit sans porter de jugement. Les annexes très bien documentées apportent des compléments de connaissances historiques...
Alors ce document secret aura-t-il fait changer le cours de l'histoire? Celui-ci repose également sur une légende existante.
J'ai lu les 2 tomes et les 1342 pages sans jamais décrocher.
D’Anne-Laure Bondoux et Jean-Claude Mourelevat Fleuve Editions 2015 Poche
Un écrivain renommé Pierre Marie Sotto reçoit un mail d’une admiratrice Adeline Parmelan.
D’ordinaire, il ne répond pas mais quelque chose dans ses phrases et la mystérieuse enveloppe qu’elle lui fait parvenir l’incite à engager une correspondance.
Débute alors une joute littéraire où se mêlent rire et émotion …
Silence du chœur est publié aux éditions Présence africaine en 2017.
Mohamed Mbougar Sarr, fils de médecin, grandit au sein d'une famille nombreuse à Diourbel. Il fait ses études secondaires au prytanée militaire de Saint-Louis-du-Sénégal avant de venir en France faire des classes préparatoires au lycée Pierre-d'Ailly de Compiègne puis intégrer l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS)1.
Son premier roman, Terre ceinte – décrivant la vie d'une petite ville sahélienne fictive mise sous la coupe de milices islamiques djihadistes –, reçoit en 2015 le prix Ahmadou-Kourouma au salon du livre de Genève puis le Grand prix du roman métis de Saint-Denis-de-la-Réunion et le Prix du roman métis des lycéens.
Mohamed Mbougar Sarr est par ailleurs l'un des dix co-auteurs de l'ouvrage collectif "Politisez-vous !", essai où ont également contribué Hamidou Anne et Fary Ndao.
Son second roman, Silence du Chœur a reçu le Prix littérature monde du festival Etonnants voyageurs de Saint-Malo.
Le thème principal abordé dans ce livre est tout à fait d’actualité, c’est celui des migrants, des ragazzi comme il les nomme. Ce n’est pas un roman humaniste, c’est un roman humain dans lequel l’auteur ne tombe pas dans l’écueil d’évoquer d’un côté les bons Africains, gentils, victimes, aidés par de bons membres de l’ONG Santa Marta, et de l’autre les affreux Blancs, méchants, racistes, fascistes, violents.
Benjamin, le narrateur, se souvient : vingt-cinq ans après les faits, il est obsédé par la disparition de sa sœur lors d’un pique-nique.
L’histoire se passe aux bords du lac Léman, en Suisse, dans une famille prospère où tout paraît brillant : les parents, leur réussite et leurs amis. Durant toutes ces années, Benjamin n’a jamais cessé de traquer le passé. Il est à l’affût de tout – souvenirs, photos, impressions jusqu’à la résurgence d’une « scène fondatrice » qui va lui livrer une clé.
Il y a beaucoup de poésie et beaucoup de cruauté dans ce roman : poésie du thème de l’eau, des impressions fugaces rendues dans une langue souple et légère ; cruauté des non-dits dans un milieu où priment les apparences. C’est un passionnant mélange : la quête du passé un peu comme chez P. Modiano, le procès d’une certaine bourgeoisie comme chez F.Zorn (l’auteur de Mars qui racontait son agonie morale dans le quartier le plus huppé de Zürich) et une enquête quasi policière sur les traces de Summer.
« Les Vacances », c’est aussi le titre de la suite des « Malheurs de Sophie » et des « Petites Filles modèles ». Si Julie Wolkenstein a choisi ce titre, cela n’a rien d’innocent car son roman retrace l’enquête, de Sophie et de Paul (tiens, tiens…) sur le film tourné par Eric Rohmer en 1952 « Les petites filles modèles », film jamais sorti et a priori totalement disparu et donc invisible. Sophie Bogoroditsk, professeur de littérature à l’université de Caen, bientôt à la retraite et spécialiste mondiale de la comtesse de Ségur doit faire une conférence sur ce thème à l’université de Berkeley où elle a été invitée. Paul de Freneuse quant à lui prépare une thèse sur les films invisibles… Ils vont se rencontrer à l’abbaye d’Ardenne, près de Caen, convertie en Institut Mémoires des Editions Contemporaines (IMEC) et mener ensemble l’enquête sur ce film de 1952 et les vicissitudes de son tournage. Le livre campe parfaitement les lieux normands attachés à la Comtesse de Ségur (château des Nouettes, devenu institut médico-éducatif) et au tournage du film, ou, plus au Nord, la maison de Saint-Pair près de Granville à laquelle Sophie est tant attachée et le manoir des Freneuse où vit encore la grand-mère de Paul. Sophie et Paul en viendront finalement à en apprendre aussi beaucoup sur leurs propres passés. Un livre très fin, tendre, plein d’humour et de personnages intéressants et attachants.
Une enquête policière pleine de rebondissements, un grand amour, la difficulté d'un écrivain devant la page blanche, un cadavre enterré dans un jardin. L'écrivain , en manque d'inspiration , part à la recherche du coupable. Tout va crescendo, des surprises de taille, un suspense jusqu'à la fin .
Le dernier roman de Fawaz Hussain, Le Syrien du septième étage est touchant. L’histoire se passe dans un immeuble HLM du nord de Paris. Dans celui-ci se côtoient des personnes de toutes origines, de toutes religions, des personnalités très variées. Il y a le Serbe bosno-croate, deux jeunes Maliens dont la foi est vive, la Tamoule en froid avec sa fille, l'ancien professeur Sénégalais devenu marabout, un couple de français …Au septième étage vit un Syrien d’origine kurde amoureux en secret de la Russe du premier … De son appartement, il suit à la télévision, avec douleur, la mort de son pays.
Ce roman plein d’humanité est un tendre hommage à toutes les petites gens de tous les pays.
